Disparition d’un corps

Le blog un corps a été supprimé. Jour et heure de sa dernière trace  sur le web : 14 sept. 2014 16:28:39 GMT. Ai lu ce texte sans nom d’auteur – andreï ? l’homme, visiblement,  celui aussi d’un compte Twitter – depuis son commencement (ou sa fin) #100. Le dernier # paru est le 42. Pensé plusieurs fois envoyer un message, ne l’ai pas fait craignant d’être indiscret. Puis un corps a disparu. Il manque. C’était un corps sous licence ; en voici les derniers mots retrouvés. 
un corps

#42

ce n’est pas Ernst Vacis qui avait dit
le premier
il faut fuir tout corps
ce n’est pas lui qui disait
il faut
courir vite, courir si vite et croire qu’ainsi nous pourrions devancer
nos membres
il faut parfois se tenir en embuscade et les saisir
les jeter dans des fosses

#43

andreï dit qu’un jour la douleur
rendra le passage à la voix
et que je parlerai des heures
sans nommer un organe ou un nerf
sans cracher des histoires de cellules ou de crânes
des heures
et d’autres heures encore
à dire au-delà de nos livres – à accumuler les prières

#44

j’ai oublié mon poing brisant les écrans et faisant d’Ernst Vacis
de son visage
une purée d’os
je n’ai pas oublié – andreï – ton chant d’homme aviné – dans nos planques et jusque dans nos cages et je n’ai jamais su qui avait pu, secrètement, apporter ces bouteilles
je n’ai pas oublié ce chant ni mon silence

#45

nous avançons – j’ai une main comprimant mon ventre et l’autre
tenant l’un de nos livres
ou montrant à andreï nos traces
nous sommes passés ici il y a des jours – depuis
j’ai trop souvent regretté de résider dans mon corps – j’ai oublié
parfois
ce qu’il fallait détruire

#46

nous devons fuir l’argile et les insectes fouillant les petits tas spongieux
que nous sommes – nous devons
regagner le verre et l’acier
les immeubles, tous les immeubles – andreï – et d’abord celui où je t’ai vu déclamer
UN CORPS EST est tout ce que ce que nous avons su maudire

#47

andreï maintenant nous devons
nous devons fuir
j’ai dit ces mots à tant d’époques
dans tant d’angles
que mes voix se superposent – andreï acquiesce et tend son ventre vers la ville
et attend
que bientôt elle le traverse

#48


#49

je m’appelle Ernst Vacis et je dis que bientôt
(je parle de mes enfants ou 
des jours qui déboulent)
bientôt
nous ne ne saurons plus ce que vous nommez 
votre aorte
bientôt
nous aurons omis
nos corps

#50

andreï me montre
un tas d’insectes – il me dit qu’il entend déjà
leurs ailes et leurs pattes craquer sous mon poids
je ne bouge pas
j’attends que sa fièvre passe et que ses mains enterrent ses spasmes
j’attends longtemps que sa voix s’épure

#51

je cherche un endroit où m’asseoir
un endroit où le mal
aurait cessé de grandir
l’argile est hostile – et c’est toute la ville
toutes nos errances
que je ranime
toutes les heures où nous n’avons jamais pu nous ancrer

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