Éros au bord de l’eau (10)

suivons la route encore humide — ce qui s’écoule de nous — une ligne étrangère, un bord sans fin, gris bitume, gris sable, gris mer, et ce pesant désert du ciel, où

l’on n’ira pas, tient tête à notre faim de clarté sa tristesse — les choses prennent couleurs humaines — allons, se moulant dans la précise lenteur du jour, son contretemps

ses contrepeines, marchons à hauteur de nous, sans voir si ça nous mène et si un horizon, devant l’endroit, derrière nos pas qui trainent au pourtour de tout — on s’avance —

en file indigène, sans mots, paisibles d’apparence, sur la longueur vers Babylone, les gens se disent quand même ce qu’ils pensent, croient d’eux, des petits faits, cousus —

nous rien du tout, ce tout qu’on ignore, aimant le silence, le nu, mais aussi l’inconvenant, le disparate, ce qui surprend d’une conversation, scruter l’air de l’autre qui —

marche alors que nous marchons, cherche de son œil hypocrite la direction, on file seulement la cicatrice du goudron, ses boursoufflures, les petits trous, anus d’où —

sort une herbe vivante, parfois des bêtes fourmillantes, trottinent à l’air — elles creusent des tonnes, la matière, veinurent, aèrent, vont, telles qu’un train, dans la brousse,

sinue, parmi les vertes végétations, consulte, caou-tch ouc-caou-tchouc soufflait-il hier, un catalogue de vestiges cachés, tus, entre fossilité/putréfaction — reprenons notre

chemin, raclant les gommes — nous irons visiter le musée de la locomotive tutélaire, témoin des travaux-forcés, à l’époque des trusts sanguinaires, des morts par pi

qures de tsé-tsé — arrivent nous croisant en face, d’abord des motocyclettes, ventres emballés de polyane ou similicuir, puis des camions, à revers les mêmes, (quoi dedans :

on imagine), l’instant du vide, quand ils passent, un bref tourbillon de feuilles sèches, et films plastiques — bientôt la ville, très côtière, sa cathédrale et son canon sur

l’Atlantique — nous marchons alors qu’ils marchent, pas de notre côté, on entre dans, presque en rêve, étourdis par l’odeur nomade, du sel et d’une pizza aux quatre fromages


Réponse

  1. Avatar de Dominique Hasselmann
    Dominique Hasselmann

    la locomotive maritime trace son sillon bleu dans l’orbe de la terre amoindrie
    les élans du ciel se brisent sur des incertitudes moirées à l’infini tutélaire

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