Le baume et la casquette
Bien que l’enregistrement vente, cloque, clique et pète, il n’en rend pas moins compte assez fidèlement du climat sonore d’un moment de vie au quartier, celui du 11 février dernier, à 12:24, quand passe le distributeur agréé du Bome François, créé par un pasteur évangélique affirmant l’avoir reçu d’en-haut et qui a défrayé la chronique l’an passé (Jeune Afrique 23/05/2024). Je ne sais si le boniment diffusé fait consciemment référence à la situation « géopolitique », notamment celle de l’État français qui retire ses troupes de son ex « zone d’influence » en Afrique, cependant la tirade, sous la forme d’un remarquable (et drôle) syllogisme tronqué, « Tout ce qui est franc n’est pas François, donc Bome François ne saurait être baume français » peut le laisser croire. Le baume, en effet sensé calmer les douleurs, ne saurait être français pour les peuples qui ont vécus colonisation ou tutelle. Les plaies sont encore vives, les membres toujours blessés. Et ce ne sont pas les négations, comme celle de François Fillon en 2009 concernant les massacres au Cameroun, ou l’aveugle fureur des droites (à propos ces jours-ci des crimes de l’armée française en Algérie) qui apaiseront les relations entre deux continents, qui selon Senghor sont liés par le nombril. Notons toutefois, que si le Bome François ne saurait être français, il ne peut davantage être baume Francis, ce qui laisse perplexe. Le Bome François n’est ni français ni Francis, nous l’avons compris, il est authentique, authentiquement François (prénom de son « créateur ») c’est-à-dire efficace. En même temps, si « tout ce qui est franc n’est pas François », on peut en douter, même si l’on comprend l’inversion subtile de l’argument commercial. En fin de compte, ce qui rassure le chaland, c’est que le baume est bien François si le vendeur porte un polo et une casquette rouge. Une casquette rouge ? Il y a un type, de l’autre côté de l’océan, qui en porte une, et à qui franchement, on ne peut en rien faire confiance..