Ce que l’on dit retourne en elle
Toute parole qui tombe de nos mains
Tout mot tombé des rives de nos bouches
A l’heure du bain dans ses ruisseaux
Toute émission des corps et cris d’oiseaux
Suit la rouille de ses pentes
Glisse en elle
La massive
La prenante
Qui fait de tout reprise
Saisie même de silence
Et vit de chasse
Nous laisse nus
En son ventre l’on glisse
En elle l’immobile
Forte gisante
Étendue
Quoique droite
Quoique grande
Qui n’épanche
Qu’ombres abondantes
Et reflets drus
Entre nos bras
Garde hautes ses branches
Quand nous dressons la tête
Porte fier son cou
Altiers ses faîtes
Lourds de pendants
Qui ne se penche
Que sous le vent
Sous plus fort qu’elle
Retourne en l’antre d’elle
Respir d’homme de bête
Et tout halètements
De nos dires les plus hauts
En elle qui ne profère mot
Qu’en nous dans notre sang
En sa nuit verte
Naquit le chant
Chant du bois rouge
Chant du sang
Et ce ne fut que nuit longtemps
Et vent de la lune lointaine
Puis tout devint clair un matin
La voix de l’oiseau dans l’air
L’œil du poisson dans la rivière
La paume douce de nos mains
Vent immobile vent
De sa nuit verte
Et le silence
Vert silence
En son midi
Qui l’entend
Silence même quand les grands singes crient
Immobile vent
Sous les branches
Verte nuit
Qui l’entend
Qui le nomme
Hors nos mains
Hors nos veines
Souffle ou vent
Ce tournant immobile
Hors nos chants
Qui l’écrit
Qui l’incante et le craint
A tout départ de son
A tout essor d’ailes
Le tournoyant
L’inentendu
En notre sang
Qui ressort sous nos doigts
Couleurs de tambour
Brunes couleurs tendues
De la nuit verte
Et blanc silence du jour
Immobile passant
pour instruments de la forêt
Extrait paru dans Arpa 106-107