Bois rouge : Rivières, ruisseau

Cette nuit nous étions sans lumière
Sans flamme entre nous dans son abri de verre
Et sans parole
Il fait froid quand nous ne sommes pas
Enroulés dans le pagne des mots
Il n’y a qu’une brûlure qui parfois rompt le dos
L’odeur de mangue sure de la peau
Où la tête s’incline
Nous dormons sur litière de sable
Et de bois sec et d’eau
Entre draps de poussière et de suint

Hier les pluies glaçaient le bain
Que serions-nous sans le baiser de la rivière

Elles passent les dangereuses
Couleur de tabac brun
Lentes sous les saccades
Des noires hirondelles
Et vont loin trop loin
Pour qu’on les suive
Au-delà de nos rêves
Toujours nous sont nuit
Si loin qu’elles s’avancent
Où il n’est plus de terre
Toujours sont remous
Du gris sommeil
Des rives
En nous

Elles portent aux brèves chutes
Entre rochers de leurs bassins
Nos pirogues tendues
Qui fendent
Proue saillante
Le jeu d’être à l’encontre
Offertes aux plats scindant le flux
Qui leur coule des hanches
D’engloutir à chaque poussée
Nos rames hautes et pénétrantes
Dans leur sombre lumière

Rivières rêves en nous
Songes noirs du silure
Et du poisson-vipère
Rêves de chairs oranges
Glissantes et phosphorées
Elles nous sont nuit
Lentes qui passent
Lourdes de terre
De vents de vieux chevaux
Grosses de blanches fées

Mais
Ruisseau
Jeunesse
Tendresse de nos années d’avant
Joie de nos maigres corps
A l’ombre des bambous
Petit ru dans nos mains
Courant doux sur nos cuisses
Chant
Caresse
Musique vierge du bain
Sitôt prière dite
Bredouillée dans l’enclos
Chuchotis des matins
Ruisseau
Refrain
Quand nous allions
En descente joyeuse
Au long des sentes grasses
Cueillir avant qu’il ne s’efface
Le reflet de la nuit
Sur l’eau
Rosée
Refrain
Koas du crapaud
Sous nos pieds
Plaintes de lune
Dans nos bouches
Que l’on chasse
En jets de salive amère
Et les premières chansons d’oiseaux
Entre feuillis des branches basses
Tit-uît
Tant de sons clairs
Ouvrant le jour
A chaque pas
L’on se poussait
Brisant le froid
Et le silence
Riant pour conjurer les morts
Mais
Encore
Ruisseau du soir
Qui délassait la chair
L’enflure de nos ventres
Nos veines gonflées de fruits
Portant sueur et mousse du savon
Vives éruptions des jeux
Et nos gémissements
Qui les portait en l’antre d’elle
Dans son obscurité
Où enfants
N’osions aller
N’osions passer la frontière
Ruisseau d’amour
Dans ses trouées
Dans le triangle des clairières
En file mâle
Descendions
Pieds de poussière ou de boue
Jambes couleur des brûlis
Tiède cendre du dos
Se poussant
Et criant pour conjurer le sort
Voici le vol des jacos
La nuit vient
Cou-houhou
La tient tient ses ciseaux
A découper nos rêves
Dans l’aile des hiboux
Encore un peu de temps
Dans la brûlure de l’eau
Où s’écoule l’oubli de tout
Tant de sang clair
Qui se dilue
Caresses

Hier nous étions
Dans le frémissement des palmes
Sur les lèvres de la rivière

Enfants
Elle     passante     nue

pour instruments de la forêt

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