Ce mois-ci, ce sont les corps que nous disséminons annonçait Pierre Cendrin, le 1 février, sur le site de la webassociation des auteurs : le corps dans tous ses états. En Afrique, mais ailleurs aussi, quand on dit corps on pense aussitôt danse (et l’on frôle le lieu commun). Il se trouve que le lendemain, c’était fête à côté et que j’ai fait un bout de film. Point de départ, piste peut-être, sauf que j’étais sans écriture à disséminer. A voir quand même, ces images floues, sur petit écran :
Sans texte donc qui ne soit pas mien sur le corps qui danse, j’ai vagué pendant des jours. Jusqu’à Recours au Poème et Poétique du Petit Corps :
Bouger… Ne pas bouger
Ne pas bouger
Se dire bougeant
Ne pas bouger
Se dire bougeant
Invitation poétique à réécrire le corps dans l’espace.
N’est-ce pas, au fond, ce qu’est la danse ?
Traduction, re-présentation, bien entendu langage ?
N’est-ce pas, au fond, ce qu’est la danse ?
Traduction, re-présentation, bien entendu langage ?
Poétique du Petit Corps est un long poème de Corinne Tisserand-Simon qu’elle présente dans son avant-propos comme un exercice de langage, une fantaisie poétique écrite à l’usage de ceux qui s’interrogent sur le corps, notamment les acteurs, les danseurs et toutes personnes désireuses d’approcher le théâtre et la danse.
Poème à vivre, à exercer, à représenter le corps. Poème à rendre le corps à son voyage, à sa parole. Poème qui prend corps et corps se faisant poème. Comme ce combat dansé qui transforme l’opposition de la lutte en un magique et poétique instant.
Poétique du Petit Corps
Bouger… Ne pas bouger
Ne pas bouger
Se dire bougeant
Immobile
Se dire immobile
En attente d’un tremblement si preste
Ou si long à venir…
Se dire immobile
En attente d’un tremblement si preste
Ou si long à venir…
Longue dérision de l’espace rebelle
Apte qui pourtant se veut doux limpide lucide translucide
Apte qui pourtant se veut doux limpide lucide translucide
Immobile figé inerte
Comme les statues d’antan qui dénigraient les mers inconnues.
Comme les statues d’antan qui dénigraient les mers inconnues.
Immobile par peur du mouvement
Qui abîmerait les jardins inondés de rosée
Qui abîmerait les jardins inondés de rosée
Immobile
Le corps est dans le sépulcre des ans
Immobile
Le corps est là où tout n’est que tumulte jaillissement et tempête
En attente en tension
Il prête attention au silence de l’aube
Le corps est dans le sépulcre des ans
Immobile
Le corps est là où tout n’est que tumulte jaillissement et tempête
En attente en tension
Il prête attention au silence de l’aube
Bouger : s’autoriser à bouger
Puis crier
Rayer le silence d’un cri
Puis crier
Rayer le silence d’un cri
Changer la surface du monde
En esquissant un tout petit mouvement
Lâcher une pulsation
Là où il est
En esquissant un tout petit mouvement
Lâcher une pulsation
Là où il est
Ouvrir une béance
Et regarder la béance
Se voir dans la béance
Ne pas la refermer tout de suite
Y laisser s’installer l’œil
Qu’il capte l’étendue du vide
Provoquée par le si petit mouvement
Et regarder la béance
Se voir dans la béance
Ne pas la refermer tout de suite
Y laisser s’installer l’œil
Qu’il capte l’étendue du vide
Provoquée par le si petit mouvement
Laisser résonner le cri
Jusqu’à ce qu’il se brise…
Et refermer
Ne pas bouger
Etre immobile
Arc-bouté sur l’espace refermé
Jusqu’à ce qu’il se brise…
Et refermer
Ne pas bouger
Etre immobile
Arc-bouté sur l’espace refermé
Rétention
Se taire aussi
Laisser le silence recouvrir le corps immobile
Laisser le silence recouvrir le corps immobile
La lumière est blanche ou grise
On ne choisit pas
C’est selon
Mais sûrement pas les deux
Même alternativement
On ne choisit pas
C’est selon
Mais sûrement pas les deux
Même alternativement
« ohé, remue-toi »
Le corps entend
Il trésaille
La tête pivote légèrement…
Mais non espoir en suspens
Le corps entend
Il trésaille
La tête pivote légèrement…
Mais non espoir en suspens
Très lentement elle se replace comme avant
Le corps s’endort
Le corps s’endort
Un peu plus loin un peu plus tard
Dans l’obscurité un cri
Dans l’obscurité un cri
Aigu bref
Comme une déchirure
Une lame tranchante dans le vide de la nuit
Comme une déchirure
Une lame tranchante dans le vide de la nuit
Encore le silence
Revenu brutalement comme
Le plomb qui scelle le mystère
Des jours et des nuits
Inquiétant comme
Une menace d’éternité
Revenu brutalement comme
Le plomb qui scelle le mystère
Des jours et des nuits
Inquiétant comme
Une menace d’éternité
Le temps est long
Nul ne peut savoir
S’il poursuit encore son cours
Nul ne peut savoir
S’il poursuit encore son cours
Le rythme s’accélère
Extension rétraction extension rétraction…
Puis…
Très vite ça s’ouvre ça naît
…
Puis…
Très vite ça s’ouvre ça naît
…
lire l’avant-propos et l’intégralité du texte sur
Corinne Tisserand-Simon
#Cie Les Goupils @LesGoupils
Moïra ou les Enfants du Désert, théâtre (Éd. ETGSO, vol 5, 2007)
Petit Cri Cherche Petit Corps, théâtre (Éd. ETGSO, vol 12, 2011)
Poétique du Petit Corps, 2001, poésie
Petite Musique du Corps, 2003, poésie
Petit Cri Cherche Petit Corps, théâtre (Éd. ETGSO, vol 12, 2011)
Poétique du Petit Corps, 2001, poésie
Petite Musique du Corps, 2003, poésie
Ouvrages collectifs
Merci à C. Tisserand-Simon et Recours au Poème
d’avoir spontanément accueilli cette dissémination
Merci à C. Tisserand-Simon et Recours au Poème
d’avoir spontanément accueilli cette dissémination