Ma vie au village – 8

Semble un vaisseau la part où nous sommes, coignon d’oxyde à ciel ouvert sur la mer des arbres allant au Congo, immobile pourtant, c’est dans l’esprit que la rupture le fait tanguer et dans le sang, presque imperceptiblement, ou dans le rêve qu’on démarre, qu’on flotte au-dessus de la ligne en direction de rien mais ça ne dure pas plus que dans la bouche le vin de palme picotant. Tournis. J’imagine le sable que j’embrasse devant, j’imagine que c’est du sable toute cette alumine qui nous teinte avec des reflets de topaze en pente douce vers la plaie, rivage qui craquelle, je m’enfuis par les stries, c’est une cartographie du derme d’elle mutilé que je lève pour aller où, la dresse en forme du vide de moi-même, longeant des rifts microcosmiques qui fendillent les yeux, les crevasses ancestrales de notre échouement. Nous avons connu l’eau quand le bois était à la mer, qu’il fallut le creuser au travers de lui sans jamais passer de l’autre côté, qu’on n’aurait de toute manière jamais su embarquer et qu’elle nous a repris parce que nous étions d’elle et disant que l’immensité or il y a cet instant du soir où dérivent dans la mémoire les copeaux du passé, la sciure du temps, l’arbre qui se dressait se dresse en mythe transpercé, tous ses déchets flottants, ce qui pousse à partir à l’heure même et remonter le cours, l’inverse du chemin à ce trou qui nous somme de rester là sans fin. Plus d’errance, ça t’attire le plat de la route, seuls bougeant les plateaux de grumes, ferraille hurlante et quelques moignons métalliques pleins de chair, le phare d’une motocyclette, des ombres qui contre-passent.

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