Ma vie au village – 15

[L’esprit du village, plus coriace que le djengui, se moque de mes brouillons et ricane dans les marges, ce nombreux dépassant la somme de nos dégoûts me dit tu ne fais rien toi l’antique coupable, l’inutile idiot des chemins] et quand sont les matins d’après la pluie debout dans son pantalon sale et les vapeurs de whisky, l’œil aussi émoussé qu’un couteau à trancher la gorge des porcs, il me regarde peiner : je ressens tellement cette ancienne fatigue héritée de l’errance quand nous sommes sortis de l’aqueuse nuit, il n’y avait pas de route, comment se put-il, mais un trait si fin qu’on se penchait, puis nous fîmes de part et d’autre des nids et quand on cesse de marcher on commence à se faire la guerre avec la parole puis avec les mains, avec la terre, on trouve alors quelqu’un à jeter dans l’oubli, un qui malgré revient sous une forme étrangère, il me contourne, je le conjure à coups de copies brandies à sa face, lui jette en sort tous mes fac-similés jusqu’au dernier poème, jusqu’au premier, le double, la gémellité, je dis : prends ça dans tes vieilles dents jaunies, mâche en ouvrant la bouche, savoure le goût du papier, en ton ventre c’est amer, je ne fais (rien) que passer.

Djengui : esprit de la forêt chez les pygmées Bakas.

Un commentaire sur “Ma vie au village – 15

  1. toujours à l'arrière, dans le dos, au fond, à la fin du texte…ce fantôme qui a passé, a vécu, l'esprit qui va l'habiter…

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