dissémination des écritures
Pour vivre – pour écrire -, il faut avoir au moins un point de vue qui soit hors du malheur ; un rocher au-dessus des flots noirs.
Vincent la Soudière, Lettres à Didier, Tome 3, P. 150, Ed. du Cerf
alors ailleurs
alors ailleurs – comment écrire avec son chaos – alors ailleurs – comment écrire sans atteindre – sans poursuivre un – alors ailleurs – comment écrire à partir de l’instant réel – comment ne pas sortir de l’ instant réel – que recouvre l’ instant réel – comment accepter la multiplication des temps de l’instant – alors ailleurs – comment écrire le croisement des temps – que faire avec le présent ouvert le passé ouvert le chaos ouvert – comment prendre – alors ailleurs – comment prendre en compte la lumière de l’ instant réel – comment prendre en compte son corps dans les mouvements de l’instant réel – comment écrire de l’extérieur – comment écrire de l’intérieur – alors ailleurs – de quoi se construit la/sa matière écrite matière sonore – on part de – alors ailleurs – et c’est le vertige – oscillation entre le rien et un/son chaos intérieur – comment on aime – alors ailleurs – on se laisse emporter – comment l’écriture nous – alors ailleurs –
sa voix devant moi
sa voix devant moi – dans un corps d’une maigreur extrême – être affamé – qu’est – ce qu’une guerre – c’est là les questions – je l’invite à s’asseoir – je regarde ses poignets très fins – son regard loin très loin – il me raconte des choses extraordinaires – je ne comprends pas – je ne comprends pas sa langue habitée par – sa voix devant moi – sa voix un territoire déchiré – les autres arrivent les autres s’assoient – on entend maintenant le mélange des voix et son silence à lui- je retiens tous les prénoms sauf un -sa voix devant moi – et plus tard je vois son geste d’écriture – buste penché sur sa feuille le bras la main effleurent l’espace vide et – brutalement la main se retire de l’espace vide – je parle je vois son visage chercher quelque chose – il lance sa main son bras en arrière – son mouvement d’écriture devient une danse – du vide qui précède l’écriture – sa voix devant moi –
là frappe la voix
là frappe la voix – ici ils viennent tous contempler la grande nuit d’avant – ici le corps plié – ici le corps hurlant – ici le corps étendu – ici le corps atteint – avec la vision transparente de – la tête penchée du présent – ici ils cherchent une porte ouverte – ici l’image manque – ici la syntaxe manque – pleine guerre comme on dit pleine mer – je ne cherche rien – je marche – je vois – je regarde – on ne partage pas le même temps – ici le sommeil de jour du corps plié – ici la femme sans mémoire – le rouge ne brûle plus la brutalité du ciel – l’écartement du chemin l’inconsolable nature – l’absence du corps d’un autre corps d’un autre corps – le rouge ne brûle plus le geste du vent – la répétition d’un bruit la transformation d’un bruit et – l’image ne porte plus l’enfance – l ‘entaille dans l’écorce – le rouge ne brûle plus la langue oubliée – la séparation de la lumière la voix enfermée – dans une salle puis dans une autre salle puis dans une autre – la nuit ici les bouts d’histoire du monde – la terre calcinée – hier le ciel le jour l’éclat du jour hier le ciel la nuit l’éclat de la nuit – le rouge ne brûle plus le silence – la traînée du silence l’entraînée du silence – la langue la mesure de la langue dans les creux le mur – et là plaquée contre le mur une trace blanche une trace une seule trace – une ligne arrachée à la voix – là frappe la voix – le rouge ne brûle plus