En ville
En ville, on se recueille devant des affiches publicitaires, quelqu’un qui peut et donc vous aussi même sans argent, sans eau, sans vêtement que celui du rêve entaché par la réalité. Il y a cette bière qui prétend représenter l’homme noir dans ce qu’il peut être selon tous les médias, exceller après la traite négrière, tous les commerces triangulaires et coloniaux, post-coloniaux, éternels. On vous encourage à vous faire enregistrer, parce que tout devient numérique et bientôt il n’y aura d’écrivains que les mathématiciens qui ne feront rien d’autre qu’aligner des zéros et des uns. L’idéal aurait été de voir la vie en noir ou blanc, mais il y a toutes ces couleurs, tous ces principes qui se dissolvent dans le cas pratique. Cette ville pue à bien des endroits, urines de qui est passé par là incontinent, si rattaché à ce désordre qui sature le paysage. Cette ville suffoque, donc tu t’arrêtes devant cette grande affiche publicitaire qui parle d’un prophète et d’une séance de délivrance et de miracles au stade du coin, ce soir, alléluia, sors de ce corps et rentres dans la terre, infeste-là de toute cette misère environnante. L’affiche parle de complots diaboliques, d’illuminatis, de rosicruciens et de francs-maçons. Tu en déduis aisément que toute richesse est sale et acquise au prix du sang. Tu deviens si fier d’être pauvre et de manquer de tout.
Tu es un moto-taximan et vingt mètres plus loin un camion trop vieux, acheté usé en Europe, t’écrases la cervelle.
© Franck Stéphane Ndzomga, 2016
blog de Ndzomga : Camisole et mots
illustration : Kmo
Des résidences d’écriture numérique, webassociation des auteurs