La squatteuse
D’abord traverser ces lieux où les prophètes prêchent depuis un téléviseur, espérant ainsi vendre une foi mi-illusion mi-opium à ceux qui sont proches et ceux qui sont lointains mais à portée des ondes. Sur place, il faut bien sûr un mini-prophète pour recevoir le sacré-message, calibrer l’antenne parabolique, tenir les saintes paroles et les distribuer aux fidèles.
D’abord traverser l’église de la « vraie vie », ensuite ce pont qui ne laisse passer qu’une seule âme à la fois. Faire quelques pas supplémentaires, aléatoires mais décidés. Rejoindre la descente qui mène tout droit à la chambre de la squatteuse.
Il avait fallu pleurer, supplier le propriétaire pour avoir accès à cet immeuble inachevé. Rien ici n’est clairement défini. Il n’y a pas de chambre en tant que tel, pas de cuisine, de toilettes, de portes et de fenêtres. Chaque cellule donne immédiatement sur l’autre, se confond à elle.
Elle y vit avec son fils qui, dans une autre vie l’avait blâmée d’une régression vers le rural, le collège trop facile, la poussière et une vision des choses inadéquate à Harvard.
Ils se nourrissent d’herbe et d’insectes, cuisinent au feu de bois et sèchent leurs habits troués sur l’herbe, juste en face. Le fils ne va pas à l’école. Il fréquente le centre médical d’arrondissement qui est à quelques pas de là.
© Franck Stéphane Ndzomga, 2016
blog de Ndzomga : Camisole et mots
illustration : Kmo
Des résidences d’écriture numérique, webassociation des auteurs