Ma vie au village – 83

Rester, tout en étant quand même, dans la nasse de la ville-image — faire revenir à la case de soi la part enfuie du passé — ce qui de l’oubli s’était imposé et qui soudain t’accorde une mémoire ; marcher, avec la faim intérieure au ventre, pour écrire les pages qu’on ne pourra mettre dans le livre de tes vies semblables qu’arpentent ceux qui sont toi, qu’ils dévorent avec les yeux en mode lecture inassouvie des signes. Au village, tu n’as que faire des lumières, le bitume de la nuit t’enduit, tu longes les bordures, à l’aveugle, et tu prends des poses au détour du chemin. Tu pars, t’extrayant du foyer, ce qui ronge, disant que je vais chier, et tu le penses à cause de cette vie — ailleurs au moins il y a des coins pour ça — tu erres un peu mais sans durer, afin qu’ils ne croient pas, les autres, que tu perds le sens de l’orientation. Partir, aller où l’espace est peut-être de lignes plus droites qu’ici, les pages pas trop froissées, audible le soupir, davantage l’étreinte, sa durée, après que tu te sois confié à toi-même la chose, qu’à ton enfance tu aies fait l’aveu, te murmurant qu’avec le temps l’on peut malgré tout souffrir, qu’on a le droit de tout se dire, eux celui de ne pas savoir, partir, aller vers un qui sans besoin de mots saura écouter lire le spasme de ta bouche.

 

The Bourne Supremacy, P. Greengrass, 2004

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