Diagonale de son regard, les heurts métalliques, la même obscurité. Aussi bien qu’elle, qui peut dire où l’on va : au ban, vers un enfer, peut-être le ciel sur les rondeurs derrière la ville, San Antonio, de los Cobres. Parfois j’ai des songes argentins. Elle, adossée à des livres sur l’étagère, ne fait que bringuebaler dans l’angoisse de mon sommeil. Se croisent les routes 10 et 51, toutes deux pauvres et nationales. J’appellerai le chien là-haut du nom de Lune, j’irai chez l’épicier Fabio qui me dispense du grain, du vin rouge, de la farine. Et du Fernet Branca. Je dirai comme ici tantine en lui parlant, elle marche encore longtemps après le terminus. Lui et moi ne causons presque pas, on regarde le sol trop blanc, les voitures, avec au corps la lassitude des arbres. Le plancher du wagon a même teinte que les ciels là-bas ou le crépi des murs quand il pleut à l’oblique. Le soleil si souterrain, partout. Le désœuvrement dans nos têtes. De l’onyx noir autour du cou, qu’on déterre. À la brune les voix se confondent, se jettent dans les rames à l’intérieur de soi, pleines d’alcool et de froidures australes, prennent les couloirs du sang, sortent des bouches. Encore marcher longtemps jusqu’au silence entre les rideaux, l’instant qui fait se taire les hommes, gémir les chiens, où tantine se sert un verre de fausse tequila et tombe dans mon cerveau, son ivresse, l’image. Qui entend ce pour quoi l’on vit ? ce souffle tendre dur au milieu de la nuit, vent par la brèche d’elle, notre esprit. Chemin d’air sous l’écorce, passant, et si haut, que l’on peut ne jamais aller plus loin qu’une fenêtre.
Texte publié par la revue METEOR #2 janvier 2020
Ah ! Le Fernet Branca ! : j’en ai encore le goût piquant, spécial, dans la bouche. J’ignore si ça existe toujours dans les bistrots (inaccessibles !)…
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