On pourrait croire que ce qui prime, comme pour le cercle, c’est le centre, alors que c’est la surface. La surface est ce qui m’importe dans l’écrit, mais pas n’importe quelle surface, celle qui demeure visible une fois passé la « réalité ». Un poème n’a pas de centre, de géométrie, de pouvoir. Il est la surface-profondeur des choses, ou du moins ce que reçoivent d’elle les sens, le corps, et qu’ils mettent dans les mots. La surface étale partout son dedans-dehors dans le carré sans cadre, sans débord, carré qui la délimite certes, la découpe d’une certaine façon, sans la blesser pourtant, la concentrant en bout de peau — ce que sont, je crois, ces « autres écrits », des bouts de peau, son épiderme, son dessous. Les textes de la Vie d’Éros Sambóko sont des morceaux de peau, surtout pas des « morceaux de vie », ils forment une abiographie, Éros est un personnage sans histoire, il n’a pas de vie. La vie dont on cherche le sens, qui n’a pas de sens, n’est pas en jeu dans l’art. Le carré non plus n’a pas de sens. Éros habite le carré de sa chambre. Il n’a pas de vie dans le sens où les gens l’entendent, c’est d’ailleurs pourquoi ils ne l’entendent pas, pris par la rectangularité de leur existence, ils marchent droit. Bien qu’en géométrie le carré soit un rectangle, le carré ici n’a pas d’angle, il est peau. Les gens suivent une direction, celle de tout le monde qui leur est imposée, ils se conforment à la règle, seulement ils en arrondissent les angles. Le carré, lui, est le non-sens de la vie, il ne va dans aucune direction et ne tourne pas sur lui-même. Il est corps pur, sans morale ni destin.
Malevitch
La surface-profondeur. Le carré fait peau. Ou la peau fait carré.
Corps pur. Sans sens ni morale. Et sans tenter d’arrondir les angles.
Des bouts de peau.
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