Il y a peut-être un bonheur plus grand à peindre qu’à écrire, ou alors n’est-ce qu’une manière de dire son tourment. On peut plus difficilement cochonner l’écrit, toujours il est plus lisse. Comment se défaire de la petite préciosité qu’on met dans un texte quand le peintre tire la langue au figuré. Il y a du mal fini sur une toile, pas de point. Séraphine peint à genoux, élaboure. La voix de l’ange monte du sol, bien qu’elle s’imagine sans doute que ça vient d’en-haut. Écrire n’est pas pondre au pupitre, debout, en surplombant le monde. Mais voilà, on se bat avec l’odieuse matière des mots. Il faudrait mal foutre le texte, le rendre fragile comme un tableau, ce qui émeut d’une peinture, c’est l’imperfection, qui dévisse le regard, le porte ailleurs, derrière, où l’on se trouve déjà, où l’on est sans savoir. Une œuvre peinte n’est jamais satisfaite, tandis que l’écrit, avec son air démoniaque, avec ses dents, qui nous fait face, sa manière de dire tu me vois quand le tableau, lui, se tient dans le retrait.
Sergio Schmidt Iglesias, Quadrats 39
Merci pour le fragile.
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