Tirésias de nuit (5)

fends le marécage, sa vapeur musquée ‒ ça t’incise au front, le tranche, d’un coup, la contraction des opposés, ces alliances claniques, d’espaces où tu vas, sans trop y aller, ta seule déviation, ton écart (multiple), tous les courts-circuits, les anciens tournants ‒ te reste une longueur au centre de l’eau, avant que ça saigne, que tu jettes à terre des mouchoirs tachés, vite oh toi Tiré, les flots se referment, la vieille mer usée, les antiques barques dans ton cerveau, l’autre bord t’aspire, sa brutalité ‒ les corbeaux toupillent sur les dépotoirs, dans un ciel vidé ‒ tu montes les ordures et le sol glissant, semblant une bête, une bête soudain, sans une aide humaine, la ville à l’assaut, comme feraient les chiens (non plus des chevaux) pour un bout de viande, toi l’éclair seulement d’un morceau de peau réclamant son dû, désirant son bien, et tu te redresses, mais d’aucun côté, tous te bannissent, toi Tiré le rien, tes yeux en dedans, ton sourire de bête, le soleil si haut, tes chaussures rampent sur le goudron chaud ‒ en bas l’élobi* referme ses cuisses ;

*Élobi : ghetto, « bidonville », souvent sur une zone marécageuse.


Réponse

  1. Avatar de jeanpaulprat
    jeanpaulprat

    Très beau passage. On va l’aimer, Tiré !

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