L’œil est réduit par le carré dans la fenêtre, non bien sûr diminué, affaibli, au contraire, remis en place comme un organe désorbité, concentré comme une tête, simplifié. Le carré capture l’œil qui devient fenêtre, rien à voir avec la captivité, privation du regard et de l’audition, car par « l’œil » il faut entendre aussi l’oreille (dans une mesure moindre les autres organes qui ne touchent que plus difficilement le lointain), ni la prise, la saisie, l’arrestation, ou quelque opération des forces de l’ordre interne, on pourrait dire capturation, à laquelle l’œil non seulement consent mais s’offre. Il s’ouvre alors à ce qui survient de l’espace dans l’espace, dont l’écriture sera le montage (qui parfois peut être concomitant), la survenue se faisant mots, matière, qu’elle déplace sur un support, agence, informe, à qui elle donne une morphologie et rend possible son accession, hors des clôtures de la propriété. L’écrit devient tableau, loin pourtant d’être achevé, de même que la toile d’un peintre est toujours inachevée, car si le support est soumis à l’usure, l’œil du regardeur, de l’écoutant, ravive sans cesse ses formes, la couleur, par un juste retour, jeu du perdu et du retrouvé, et si comme elle il se déplie, se déroule, il demeure dans le carré irréductible à l’explication.

Josef Albers