Tirésias de nuit (21)

puis cette nuit entière qui te découpe, tu glisses dans le noir broyeur de squelettes, mangeur de mots, que trouent encore des phares, la brume des lampadaires, entre leurs cassures les voix de gens qui errent [fin de la séquence du jour] — sous ton drap délavé, l’odeur de ce qui se tait, que tu ne transpires, parmi les jacinthes le sommeil de l’eau ; te rassure une pluie légère, ses flocs sur le toit, dans le fond du seau, la lune qui se noie n’entre plus par les brèches, comme autrefois, quand tu pleurais, pour n’importe quoi, rien, t’endors-tu ainsi, le cœur à ce rien, le peu qui te reste, que tout près de toi murmurent les rhizomes et que des grenouilles ronchonnent — on entend le rêve soupirant des chiens, la tiédeur des tôles, et de temps en temps, par l’autre côté, une moto qui vient ; et des coups de feu ; un songe grotesque : tu cavales nu, une foule t’acclame, alors que t’enrobe l’usure du tissu pour contrer le froid — nouveaux coups de feu, ça court sur les sentes, toi, avec tes jambes tu irais très loin, jusqu’à l’Atlantique, à la nage jusqu’à Bioko, tu nagerais comme une jument, la tête hors de l’eau, à voir les étoiles les feux des cargos, les porte-conteneurs, leur chargement bleu, un pli de lumière ;


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