Éros devant la mer — vient quelqu’un, qui s’éloigne, dans sa part de temps, inconnue, de lui-même, ne sachant, qu’il va, dans son propre temps, qu’Éros lui voudrait connaitre, à chaque fois s’éteint, trop tôt, la promesse, du corps, d’un visage, qui passe au bord de l’eau, des vagues temporelles sans regarder le fond, ni le possible de, la surface du vent
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l’autre ne vit à hauteur de soi, chacun ne parcourt que sa peau, le paysage de ses coupures, le cratère des boutons — très souvent, dit Vénus, dans l’amour, personne ne voit
entrés, dans la ville et sur, le quelque-chose-se-faisant change, un creux qui se creuse lui-même, en lui-même et nous qui entrons, sans but, sans artifice, franchir, lire, dé-lirer, mille signaux, mille clartés troubles, douteuses, ce peu du bonheur, pacifiant, de pour une fois n’attendre rien, que la réflexion des surfaces, le jeu d’un miroitement, se et ne pas se, laisser voir, s’insinuer, glisser nageurs, oubliés du temps, par le flanc, rues, marché, boutiques, nous marchant, la dévêtir, à notre façon, mauvaises manières, lui faire le plan, avec les traces qu’on laisse en l’air, lever sa chair, cicatrices, non vues des gens, ses blessures internes, son sang, de terre, de bord, pas à soi, sa dérive, les petits tremblements, tourbe forestière, sol marin, mystérieux naufrages, le vent
la pluie lave tant la nuit qu’elle devient noir réglisse, ses gouttes ploquent sang le sol les surfaces, percent la vitre du temps, l’enduisent de sa graisse, elle si forte qui rabat le vent, si grand, tient le large en ses mains de pluie, étouffe le bruit non sien, la ville la mer on sous trois-cent-mille tonnes de silence, un dernier floc, le trou, l’obscurité mouillée qui nous aspire, comme au village des orpailleurs, le père descendait, avant que l’on s’exile, toujours plus, se courbait au fond, dans la boue, creusait, le trou, pour des grammes de rien, sucé jusqu’au front, tété par la terre — il fallait raser tout un chien pour vaincre les eaux — on tirait le volet sur nous, là le ciel s’éventre, livre ses boyaux, d’une autre manière, bien que l’on ne sache si l’on vit encore ou que l’hébétude, ou que la noyade, du vent, des lucioles, le renversement, la lourdeur des mots — chien nu ne rompt pas les flots, dit Vénus qui sort, et puis ça s’arrête, dégouline un peu, on part ramasser plein de poissons morts et des écrevettes —
il parle, nous parlons, pas moins que d’autres, du vent, brise ou grain, états intermédiaires, l’effet sur les épidermes, si ça colle ou rafraichit, pousse au contraire de ce qu’on veut faire — mais d’abord comment se glisser dedans ; vivre en l’air ; rompre le pesant ; on avise a little egret, déroutée peut-être, lentes saccades, ses pas — sa fuite cou rentré, son envol incertain ; peut-on ne pas se départir, de chaque joie, d’un frais matin, à l’océan ou de cette angoisse, qui prend, malmène au point où l’on voudrait rester, sans férir — avec ses rêves nécessaires —
le bruit, ce bruit-là, surgissant quand du somme, il se réveille, s’extrait d’un trou (les années), d’un plus réel que l’instant terne, passé — il dit qu’il pêche dans les enfers ; mais on se promène où de gros rochers, des monstres de mer, leurs yeux immobiles ; marcher ainsi ramène à ce vide en soi qui, le souffle, le regard des choses qu’on ignore, relâche le continu, la vitesse des jours, l’étire — on se trempe les pieds seulement sur la frontière, l’eau lèche nos chevilles, sans se dire du quoi ; elle poisse dans l’image, le soleil décroit, nous rentrons — souls de désir ;
Après Éros dans et hors de son lit, Vénus en son salon et Tirésias de nuit, vous est offert en supplément Éros au bord de l’eau. Les trois, ayant quitté la ville, se retrouvent sur le littoral atlantique.
Saïd Zekri (détail)
entré par l’anse, mouvemente, brouille, un bruit d’abord plus en vue qu’en écoute — laisse l’avant (rue-chambre se déficèlent) — il t’emporte, si neuf, te conduit, mais l’oubli, la peur de lancinent — au premier sommeil, avec ce bruit, Éros rêve la maison, l’ancienne, toute de terre qui resplendissait, au-dessus d’où l’on passait, un nuage (comment dire mieux), la granulosité du mot ; cela revient, et le regret : pas assez joui, frissonné des instants — maintenant ce bruit, son temps qui plusieurs, rapporte aussi le reste d’une vie, toujours intérieure, aux secondes ;
le même bruit qu’on voit, qu’on entend : l’image-son qui t’obsède l’esprit, te prend, quand laissent les maux de ventre, sinon on envoie tout au caniveau ; Éros, titubant, se lève, en tête la maison, vraie mais déshabitée, produit encore son effet dans le corps, le cerveau et s’ajoute au bruit, réflexion — le retour, cette joie-victoire, d’un jour au moins, d’une heure, sans la sauvagerie du monde, le seuil brillait du couchant, sur les chaussures, le ciment et de paisibles mouches — l’image s’adjoint le vent, Éros sort, marche loin, revient, regarde les corps beaux de mer,
ainsi (parle ta voix frontalière) on se découvre, l’un étranger puis l’autre changeant, trans-formé, incertain, presque oublieux du soi d’avant, d’une image démodée, de son cadre ancien, dépassé ; tu respires ; la maigre charpente, les murs usés, le cela qui pèse malgré tout s’étire, tu cherches un plaisir, la terre sous des cieux troublés, une terre nouvelle, la forme d’un lieu, le large, pas le lové, ce qui clôt, s’enroule et qui désespère ; l’obscur ne t’effraie, ni la clarté, mais qui la professe, les parleurs sachant, toi tu ne sais rien que ton corps ouvert — quand les mouches dorment, l’air porte jusqu’ici le gluant des viandes saignantes, le vent poisse, rougie, empue le sommeil, la moitié de ce que tu penses, toujours une part inquiète, vibrionnante, qui ponctue le texte de tes fictions, rompt le continu des images, tu recommences l’unique scène, le détail qui emmène, ça ne va pas au bout, dedans, ressort, comme les mots d’un priant se parlant de lui-même, face au dieu fuyant, Éros dit souvent cette vie sans épilogue, sans une heureuse fin, le courage qu’il faut, le support des peines,
Éros compte un mort de plus au quartier ou ce sont des étranglements de coqs, un hurlement de chien, du tapage sur une moto, la nuit dans sa confusion qu’un chant de grive désavoue au crépuscule du matin. Éros allongé songe que tout se partage en deux, le reste, d’autres choses qu’il ne comprend pas, mais ce que dit le monde l’oiseau s’en fout de ça et que ses notes sonnent aussi contre lui-même, pense que certains volent en un ciel semblant si bas qu’on les condamne, alors qu’ils s’accouplent au vent ; pendant que les voisins levés font un bruit de vaisselle, il clame « À la claire fontaine » en se lavant dans son réduit.
Accolant le mot qui précède à son immatérialité, cela fait un abri, une encoignure au soi, d’où goûter leurs passages parfois simultanés. L’eau se fracture en milliers d’elle tandis que lui est mouvement ou bien le flux astral du langage. Une voix que l’on regarde tout en se retournant. L’assimile-t-on à des tempêtes qui brisent les arbres et les maisons, venues des Bourbouilles insulaires, de l’atoll des Créolités ? Peut-être, oui, l’entendre ainsi, démonique, angéliaire, et troublée par le sort, celui de quiconque est né.