Je regarde toute chose à la manière d’une bête au sortir de son trou, une petite bête à l’œil horizontal qui elle aussi veut vivre un jour de plus, et lève la tête.
J’ai trop regardé le ciel, tant, que l’image est descendue pour se tenir à ma portée. Elle s’y tient.
Je ne tourne plus les yeux vers le haut qu’en prévision des orages.
s’arrête ce déluge ; à la brune on trouve du vin, des petits poissons, à cuire sur la braise ; on s’installe dans le tableau, où se conjuguent le bas, le haut, la voute sans lumière, et l’horizontal, au croisement de nous, la courbure qu’on fait, de soi, du prochain, l’espace, l’un de ceux, si rares, où l’on existe enfin ; plus ce décor carton ni le bruit des enfers, un pli, un murmure, clapotis des choses — il grimpe, repart, avant l’âcre jour, dit que n’y peut rien, le tourment, la peine, que sait-on jamais, que sa bouche attend une autre salive, pas la glaire du temps ;
Éros se baigne, lustre son passé, qu’importe si l’eau pue, il déplie ses ailes, et se voit bizarre, le ciel vide, plein, les vagues l’emmènent, on retournera, d’où l’on ne vient pas, nous, non de ce monde, sauf d’y crever, de corps, pareils que les gens (à notre égard, ces saletés, dans leurs têtes), vivrons autre part, et peut-être heureux ; Éros s’étend, où demain va-t-on, par quel bateau, en quelle saison, au Japon, Brésil, la chambre, une rue, un ailleurs sans nom ou, tant qu’à se faire ile irons à Bioko, clandestinement, là
au studio photo, elle, en robe blanche, lui qui se tient droit, contre la peinture : ciel, rivage, et stipes palmés de cocos, dans le fond : la ville, avec son canon, et nous qui, posons, graves, doux, pieds sur le lino — oubli du tirage, on demandera ce que nous faisions — puis après les chutes, le grand port marchand, où ne va personne, nous déambulons, d’abord, entre des maisons, toutes idéales ; ensuite l’on pousse, vers la frontière, pour dire qu’on a vu, cet un peu d’ici, et ce gris de mer, le noir des rochers, de gros éléphants qui, chassés, tombèrent, là au bord de l’eau
d’elle, nous, parlons tout un jour de pluie, d’anodine enfance, des tristes années — les coups, aussi, tombaient du ciel, de la main de demi-dieux, et leur bouche mordante, aux dents bien rangées : dehors les chiens, les impurs ; lui : tout quoi qui se dit : vrai, avant de comprendre : oh que non, trop tard (Éros, sa naïveté) — le toit de la case craquait sous les pins, entre la violence (alors sous terre) et la dévotion, de l’autre côté, lui se laissait faire, par un corps timide, autre que le sien, il vivait sans aventures, lui, il se souvient d’une grande nuit,
se retrouve, sous des arbres, seul, autour un dépotoir de bouteilles, du bois fiché, dans le sable, qui blesse, des creux laissés par de frais noyés, trainés là pour que ne gonflent, trop vite, au plein soleil, rêve durant, quelques secondes, à l’amour, à ses entailles, sur ses doigts, l’odeur des cigarettes et du secret, ravir le souvenir aux hachures du temps — rentre, par le bord froid de l’eau, dans le regard du jour inquiet, pas d’oiseaux, mais des soupirs de chiens qui dorment ; frémissent certains plis du corps, leur proche mémoire, de l’instant, sans verdict, sans peine
Vénus nous sourit, on avise des pêcheurs, les pirogues, qui pénètrent l’eau, de côté le soleil, menteur — Tiré tire ses jambes, dedans, sur le canapé — elle dit que lui dit aux gens, qu’on ne fait que passer, qu’on changera peut-être, encore, de maison — et toi, ta nuit comment, fébrile, odorante, âpre, belle, rêveuse, turpide aux uns et sans promesses, vagabonde ; mangeons, avec le chaï, tiède, une friture rance, il raconte les insectes gris, cognant l’unique néon, et la surveillance, le sale gout de bière, jusqu’à se lever, dans le petit froid, se suivre — à distance
on voit, sur le globe en verre, elle qui monte, se retire, et nous possède de son bruit, ce que ça dit, si nous passions, par dessus ses bords, vers les Amériques, une autre manière, ça changerait quoi, tu parles : la condamnation, partout, ne vivre qu’au pays de soi, celui de la vapeur primale, du premier bonheur humide, et pur qui montait de terre, quand la police des dieux ne nous regardait pas, on parle, de la misère, la seule chose qu’on ne nous prend pas, mais l’un dit : tu le sais, que d’avant, l’état de nature n’existe, que la boue charrie toujours le fleuve qui grandit
oh quoi, il le sait, on parle, cherchant, des idées qu’on extravague, des motifs de ne pas sombrer, on se raconte des histoires, depuis les millénaires — presque à nos pieds, elle ne cesse, de revenir, d’aller, et, tombant de la route, sur nous, des sonorités coupantes, Éros sort, gravit la pente, vers les cris, quitte les mots, leur torpeur, parfois seulement sentir le corps, sentir l’espace identique, quasi, de la peau d’autrui, la pesanteur de sa vie, ce qui parait de ressemblance, interne, à la surface, et se peut, qu’en suite d’un alcool ou deux, on s’évapore, par grâce, dans la nuit ;
lui — l’un des trois, nous de retour — tandis qu’elle se douche, se verse l’eau qui graisse, devant la mer, sachant déjà que nous ne l’aimerons pas de cette manière, qu’il faut la prendre par le côté, hors du cadre, dans son débord intime, sa fuite, alors qu’elle ne le peut, prisonnière des terres, il ne contemple pas, ni cherche que ça lui dise, ce non-livre, un trou, comme l’or, là-bas, l’utopie du père, qui rentrait, poumons cramés, par le gravier, la poussière, fouettait l’amour, le fragile enfant — ce bruit, ce bruit, de revenant, le temps peut-être, qui se lasse de nous-mêmes,
couvrant, bientôt, le jour futile, la nuit s’approche par derrière, alors que faire, de lui qui meurt, rentre le corps, les bestioles et les vers, dans le sable, aussi, une fois les lampes allumées, elle nous serre, et quoi du temps juste passé, de cette vie, trop quotidienne, on reste autour de la lumière, chacun de nous dans ses pensées, le trou de soi qui se transfère, en des images, sur les murs, le cinéma de la mémoire, le cerveau avec ses histoires, son délire préhistorique — l’air diffuse, épais, le transpir de marins qui passent, et sur l’ennui de nous l’éclat de la lune grasse
Éros : — j’embrasse le corps, ses endroits, les brulures du sol à la saison sèche, et les marécages, aussi, des fois, une grande zone de steppe, qu’on parcourt à cheval, toutes les forêts primaires, pirogue le fleuve, jusqu’à l’embouchure,
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Éros devant la mer — attend, assis, dans le sable coupant, les brisures de coquilles, l’une ou l’autre bleue et peut-être qu’un amour glisse, l’œil à travers, la gueule un peu blessée, sa vie imaginaire — attend, dans, non pas seulement face, le vide et ce vide en lui, la profondeur de la béance, abime autre que soi, d’où surgissent le nom et la présence
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— très souvent, dit Vénus, dans l’amour, personne ne voit — un peu, du temps, se déplace, on rentre, patients et silencieux avec au ventre, lourd, un creux qui se promène
Où qu’elle se déverse par le monde, la pluie sonne familière. Un détail pourtant change toujours sa musique. Ici, la petite note d’un insecte inconnu, solitaire. Tendre l’oreille à l’écoute des trente premières secondes pour savourer sa présence.
Éros devant la mer — vient quelqu’un, qui s’éloigne, dans sa part de temps, inconnue, de lui-même, ne sachant, qu’il va, dans son propre temps, qu’Éros lui voudrait connaitre, à chaque fois s’éteint, trop tôt, la promesse, du corps, d’un visage, qui passe au bord de l’eau, des vagues temporelles sans regarder le fond, ni le possible de, la surface du vent
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l’autre ne vit à hauteur de soi, chacun ne parcourt que sa peau, le paysage de ses coupures, le cratère des boutons — très souvent, dit Vénus, dans l’amour, personne ne voit